Bien avant que le Gouvernement n’opte pour le pourrissement dans la gestion de la crise anglophone, qui aujourd’hui a dégénéré en guerre civile, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun avait affirmé que la sécession est une voie sans issue et indiqué l’urgence pour le pouvoir d’ouvrir un dialogue national sur la situation politique et sociale du pays.
Malheureusement, nous n’avons été écoutés ni par les sécessionnistes ni par le Gouvernement d’où la dramatique situation qui prévaut actuellement dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Que de morts inutiles, de souffrances, de réfugiés! Aux familles de toutes les personnes tuées, le MRC adresse ses sincères condoléances. Aux blessés, il souhaite ses vœux de prompt rétablissement, et exprime sa totale solidarité aux milliers de Camerounais ayant abandonné leurs villages pour aller vivre dans les camps de refugiés au Nigeria.
La guerre civile qui oppose dans les deux régions anglophones de notre pays l’armée et les forces de sécurité aux sécessionnistes armés a récemment pris une nouvelle tournure avec l’enlèvement, le 11 février 2018, dans l’arrondissement de Batibo, département de la Momo, Région du Nord-Ouest, du Sous-préfet, monsieur NAMATA Marcel DITENG, par des hommes armés.
Toujours à Batibo, le 24 février 2018, c’était au tour du Délégué Régional des Affaires sociales du Nord-Ouest, monsieur ANIMBOM Aaron ANKIAMBOM, d’être enlevé par des inconnus. Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux par ses ravisseurs, les Camerounais ont vu, impuissants, ce haut cadre de l’administration implorant son ministre de répondre aux exigences de ses ravisseurs, sous 48 heures, afin de sauver sa vie.
Aussi bien dans le cas du sous-préfet que dans celui du Délégué Régional, le Gouvernement a gardé un silence incompréhensible.
Le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MINADT), celui-là même qui, par son acte de dissolution du Consortium, avait précipité le basculement dans la crise, n’a pas jugé nécessaire de s’exprimer sur cette affaire exceptionnellement grave et préjudiciable au moral des ces hommes et femmes qui, loin, très loin du confort douillet des cabinets ministériels et des grandes villes, travaillent à survivre et à faire vivre la République dans un contexte sécuritaire angoissant.
Madame le ministre des Affaires sociales a, comme le MINADT, choisi de laisser son collaborateur à son triste sort.
Le Premier Ministre, chef du Gouvernement, s’est lui aussi muré dans le silence.
Plus grave, lors du Conseil Ministériel présidé par le Chef de l’État, le 15 mars 2018, le président Paul BIYA n’a pas eu un simple mot pour les représentants de l’État tous pris en otage dans le cadre de leurs fonctions. Il y a très peu de pays où des représentants de l’État peuvent être enlevés sans que leur sort et la douleur de leurs familles fassent l’objet d’un des points à l’ordre du jour du Conseil de Ministres. En réalité, ailleurs, là où le pouvoir a un visage humain, ces enlèvements de fonctionnaires sont le type d’événements qui déclenchent immédiatement une réunion de crise au sommet de l’État.
Que faut-il qu’il arrive aux Camerounais pour que le président BIYA fasse enfin montre de compassion? Dans le conflit contre Boko Haram dans le septentrion, qui dure depuis mai 2014, il n’a jamais jugé nécessaire d’aller porter la compassion et la solidarité du peuple camerounais à nos compatriotes meurtris, ni estimé qu’il pouvait se rendre au chevet des soldats blessés et internés. Même la visite du président tchadien aux soldats tchadiens blessés et hospitalisés à l’Hôpital Militaire de Yaoundé, n’a pas suffi à le décider de sortir de son palais et de parcourir les trois à quatre kilomètres qui le séparent de l’Hôpital Militaire pour porter la chaleur de notre République peuple aux braves soldats blessés.
Certes, des exégèses du Renouveau invoqueront «le temps du président» et les «silences présidentiels» pour tenter de justifier la distance du chef de l’Etat vis-à-vis de son peuple; mais, à la vérité, l’attitude du président de la République renseigne à suffisance sur la considération qu’il a pour les Camerounais. En effet, aucun autre président au monde ne peut afficher autant de distance vis-à-vis de ses compatriotes frappés par le malheur.
À la suite des premières prises d’otage dans les Régions anglophones, le samedi 17 mars 2018, le Pr. Ivo LEKE TAMBO, PCA du Cameroon General Certificate of Education (GCE) Bord et une trentaine d’étudiants et personnes ont été enlevés par des individus armés. Le Pr. Ivo LEKE TAMBO a été par la suite présenté dans une vidéo de propagande dans les réseaux sociaux dans un état humiliant et dégradant. Tout ceci n’augure rien de bon pour notre pays.
Le MRC condamne fermement ces enlèvements et ces assassinats, ainsi que les incendies de biens publics et privés, des édifices scolaires et religieux et tous les autres actes de violence et d’humiliation qui les accompagnent. Les auteurs de ces actes doivent être convaincus que le peuple camerounais n’acceptera pas la partition de notre cher et beau pays, fruit d’un héritage historique et œuvre commune des Anglophones et des Francophones, qui sont déterminés à porter ensemble leur patrie au plus haut niveau de développement, de prospérité partagée et de rayonnement dans le monde.
Sur le remaniement ministériel du 02 mars
Le 02 mars 2018, le chef de l’État a procédé au remaniement du Gouvernement. Ce remaniement, intervenu en pleine guerre civile dans les deux régions anglophones de notre pays, confirme clairement, au regard de certaines personnalités anglophones promues, qui sont plus que controversées, la logique du pire choisie par le pouvoir dans la gestion de ce qui n’était, il y a un an, qu’une crise politique.
En effet, en nommant au poste de ministre de l’Administration Territoriale M. Paul ATANGA NJI, celui-là même qui, par ses propos et ses actes provocateurs avait accéléré le basculement de la crise dans la confrontation violente, le président BIYA a démontré que lui et son gouvernement ont un intérêt politique à ce que perdure la situation sécuritaire et sociale, qui pénalise sévèrement les populations des deux régions anglophones et l’économie nationale. Ainsi, c’est désormais un «ministre provocateur» et belliqueux qui est en charge de gérer, à sa façon, une guerre civile dont il porte une responsabilité historique incontestable dans le déclenchement.
La nomination de madame NALOVA LYONGHA Pauline EGBE au poste de ministre des Enseignements secondaires dans le gouvernement réaménagé participe de la même logique de refus du dialogue et de la récompense des partisans de la force par le président BIYA. C’est madame NALOVA LYONGHA, alors Vice Chancellor à l’Université de Buea au moment du déclenchement de la crise anglophone, qui avait ordonné l’intervention des forces de l’ordre sur le campus, avec toutes les dérives que l’opinion nationale et internationale avait déploré à l’époque.
Face à la multiplication des tueries et des enlèvements dans les deux régions anglophones, le MRC réitère ses positions, à savoir que la sécession ne peut, en aucun cas, être la solution à la situation dans laquelle se trouve notre pays, ni à la crise politique, économique et sociale dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest. À la vérité, elle ne fait qu’imposer les pires souffrances aux populations. Nous avons été les premiers à dire et nous réitérons: seul un dialogue politique inclusif, traitant des revendications de nos compatriotes anglophones et, au-delà, de toutes les grandes questions politiques du pays, peut mettre un terme aux violences actuelles.
Sur l’agression du Vice-président du MRC, Me Emmanuel SIMH par des individus cagoulés dans la nuit du 18 au 19 mars 2018
Je ne puis terminer sans porter à votre connaissance, avec consternation et colère, que dans la nuit du 18 au 19 mars 2018, aux alentours de minuit, le Vice-président du MRC, Me Emmanuel SIMH, avocat au Barreau du Cameroun, a été agressé, avec intention d’attenter à ses jours, par trois individus cagoulés, alors qu’il sortait de son véhicule sur le parking de son domicile.
Il n’a eu la vie sauve que grâce à son fils et aux voisins qui ont accouru et se sont portés à son secours. Ses bourreaux ne lui ont rien réclamé ni rien pris. Ceci laisse penser que ces individus étaient en mission.
Sous réserve des résultats des enquêtes de police, et même si on ne peut pas encore savoir si c’est le responsable politique ou l’avocat qui était visé, le MRC condamne de la manière la plus ferme cet acte ignoble. Il réclame la célérité dans la conduite de la recherche et la mise à disposition de la justice des agresseurs, ainsi que leurs éventuels commanditaires et complices.
Le Président National du MRC
Maurice KAMTO
Yaoundé le 20 mars 2018.