25
Sep 2014

La présente conférence de presse a pour but de donner la position du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) sur quelques questions d’actualité qui affectent ou sont de nature à affecter gravement la vie de la Nation : d’abord, du point de vue de sa sécurité et de sa stabilité, ensuite du point de vue de son unité et de sa cohésion, enfin du point de vue de son image et de sa respectabilité internationales. Ces sujets sont au nombre de quatre : la déclaration de guerre au groupe armé extrémiste Boko Haram ; les arrestations extrajudiciaires de Me  Abdoulaye HARISSOU et de M. Aboubakar SIDIKI; les allégations de l’enlèvement et de l’exécution extrajudiciaires de M. Guérandi MBARA; l’affaire Célestin YANDAL et les  menaces qui pèsent sur les libertés civiles et politiques au Cameroun.

I – Sur la déclaration de guerre à Boko Haram  faite à l’étranger et la cacophonie de certains hauts responsables du pays dans sa gestion politique

Depuis quelques mois, le Cameroun est l’objet d’attaques barbares dans les Régions de l’Extrême-Nord et de l’Est de son territoire. Ces attaques attribuées notamment à la secte islamiste Boko Haram ont déjà endeuillé plusieurs familles camerounaises et plongé dans la torpeur de nombreuses autres. Aux familles ainsi endeuillées, notamment à celles de nos courageux  soldats morts au front, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) présente une fois de plus ses très sincères condoléances. A nos vaillants soldats engagés  sur les différents fronts, le MRC exprime son soutien total et indéfectible et les exhorte à combattre sans faiblesse les illuminés qui sèment la désolation, la tristesse et la mort parmi nos paisibles populations. Que les blessées, les déplacés et les nombreux enfants encore hors des salles de classe en ce mois de rentrée scolaire, reçoivent ma compassion ainsi que celle des militantes et militants de notre parti.

C’est dans ce contexte de violence aveugle que, lors du sommet de Paris du 17 mai 2014 pour la sécurité au Nigeria, réunissant autour du Président français les Présidents du Benin, du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad, les représentants des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Union Européenne, le Président de la République, M. Paul BIYA, a déclaré à la presse qu’il engageait le pays dans la guerre contre Boko Haram. S’il est incontestable que notre Constitution réserve au Chef de l’Etat ce privilège suprême, le lieu de la déclaration de cette guerre tout comme sa gestion politique interpelle.

A part sa déclaration de soutien à nos forces de défense et l’expression ses condoléances et de sa compassion aux familles éprouvées, le MRC s’est jusqu’ici abstenu de tout commentaire, propos, ou action susceptible de gêner l’action du Gouvernement dans cette guerre contre Boko Haram et le gestion d’autres périls à nos frontières.

En s’accordant le recul nécessaire pour apprécier la situation, le MRC a cependant cherché en vain quel était l’intérêt stratégique, tactique, politique ou diplomatique de cette déclaration de guerre faite depuis l’étranger, très loin des Camerounais de qui le Président de la République a reçu le mandat d’agir en leurs noms.

Après avoir engagé le pays dans la guerre depuis la  France, la Nation attendait que le Président de la République, Chef de l’Etat et Chef des Armées, prenne la parole pour lui donner des informations, notamment  sur les ennemis de la patrie et leurs buts de guerre, et sur les contours de la mobilisation attendue des citoyennes et des citoyens camerounais. Force est de constater que quatre mois plus tard, le Chef de l’Etat n’a toujours pas jugé utile de s’adresser à la Nation, même pas à travers la représentation nationale ou par un simple communiqué de presse.

Ce silence du Chef d’Etat, au moment où nos compatriotes meurent aux combats et où les populations sont désemparées, créé une situation politique trouble et incertaine. Vu de l’étranger, une telle situation laisse perplexe et interroge sur  l’adhésion des dirigeants de notre pays à l’obligation de rendre compte qui, avec la responsabilité, fondent l’autorité dans les sociétés politiques modernes.

Ce mutisme a favorisé l’éclatement au grand jour des luttes de succession au coeur de l’appareil d’Etat, créant au sein des institutions de la République une vraie cacophonie qui n’est pas de nature à maintenir la sérénité parmi les populations. En effet, entre les motions de soutien et les serments inutiles qui polluent l’atmosphère politique au moment où la Nation a besoin d’être rassemblée, et les déclarations maladroites de certaines personnalités de premier plan qui divisent notre peuple, les Camerounais  sont  désormais en droit de demander au Président de la République, contre qui leurs soldats se battent vraiment.

Il y a désormais une obligation de prise de parole publique et solennelle du  Chef de l’Etat, Chef des Armées. Le Président de la République ne peut pas, alors que les membres de son Gouvernement et des personnalités importantes de son système politique se déchirent en public sur l’identité réelle ou supposée  des ennemis de la patrie et sur leurs complices, continuer à garder le silence sans assumer la responsabilité d’une grave faute politique. Même le moral de nos soldats engagés aux combats dépend désormais de cette clarification attendue du Président de la République, lui qui est la personnalité la plus et, sans doute, la mieux renseignée du pays. Il est important pour le peuple qui se sent pris en otage et surtout, qui a le sentiment que ceux qui gouvernent lui cachent des éléments de compréhension de ce qui se joue en particulier dans la Région de l’Extrême-Nord, de savoir la vérité.

II – Sur les arrestations extrajudiciaires de Me  Abdoulaye HARISSOU et de M. Aboubakar SIDIKI

Comme pour jeter plus de trouble sur la situation dans laquelle est plongé le Cameroun,  le 27 août 2014, les médias ont annoncé l’arrestation, dans les bureaux du Gouverneur de l’Extrême-Nord, par des éléments de la Direction Générale de la Recherche Extérieure (DGRE), de Maître  Abdoulaye HARISSOU, Notaire installé à Maroua,  président honoraire de la Chambre des Notaires du Cameroun, président de la Commission du Groupe de Travail  à l’Union Internationale du Notariat, et Secrétaire général de l’Association du Notariat Francophone (ANF).

A ce jour, aucun Procureur de la République ni un responsable gouvernemental n’a pris la parole pour dire à la Nation de quoi est accusée cette personnalité bien connue de notre pays. Pourtant, ni sa personnalité, ni le contexte de son arrestation, ni le service qui l’a arrêté, ni le lieu où il a été arrêté, ni les rumeurs sur les mobiles de cette arrestation – en l’occurrence, selon certains journaux, la « tentative de déstabilisation du Cameroun à partir des pays voisins », –  n’autorisent le Gouvernement à garder le silence.

Le 9 août 2014, M. Aboubakar Sidiki, Président du Mouvement Patriote du Salut Camerounais (MPSC), avait déjà été arrêté  à Douala par des éléments de la même DGRE.

Le silence des autorités judiciaires et des responsables gouvernementaux sur le sort de Me Harrisou et sur celui de M. Aboubakar SIDIKI, leader politique connu, et l’absence de toute procédure judiciaire officielle contre eux transforment ces arrestations en enlèvements extrajudiciaires. De plus, l’implication dans ces opérations des services de renseignement, alors même que la police judiciaire pouvait, sous les ordres du parquet, se saisir de ces cas, donne à ces enlèvements extrajudiciaires un caractère politique que le silence du Gouvernement ne fait que renforcer. Dans le contexte sécuritaire et politique actuel du pays, où des responsables importants du régime ont publiquement insinué et assumé la thèse du complot, le règne de la suspicion et la chasse à l’ennemi intérieur gagnent du terrain alors que le pays est en guerre. Dans l’intérêt supérieur de la Nation, les autorités judiciaires doivent prendre leurs responsabilités face à l’histoire.

Ces enlèvement extrajudiciaires alourdissent le climat politique, ternissent l’image de notre pays au plan international et sont de nature à discréditer les services de l’Etat. Quels que soient les faits pour lesquels ces  compatriotes sont interpelés,  les lois de la République, qui règlent les conditions d’arrestation et de détention et protègent les droits de tous les citoyens, doivent être observées.

III – Sur les allégations de l’enlèvement et de l’exécution extrajudiciaires de  M. Guerandi MBARA

L’opinion nationale et internationale a appris, par un journal étranger dont l’article a été abondamment repris et commenté dans notre pays, le récit de l’enlèvement et de la mise à mort allégués de  M. Guerandi MBARA par des éléments de la DGRE avec la complicité active d’un certain M. Georges STARCKMANN, marchand d’armes vivant en France, et d’un certain M. Alberto  FERNANDES ABRANTES, un colonel portugais à la retraite. Ce récit, qui fournit à la justice camerounaise toutes les informations susceptibles de permettre l’ouverture d’une enquête, n’a pas encore été démenti par le Gouvernement plus d’une semaine après sa publication.

Le peuple camerounais et les observateurs internationaux ont, une fois de plus,  du mal à comprendre le silence du Chef de l’Etat dans une affaire aussi grave.  Le silence embarrassé du Gouvernement inquiète plus qu’il ne rassure. Même si le journal étranger en question avait  raconté une fable – ce dont on peut douter au regard de son sérieux-, il est urgent pour le Chef de l’Etat, dans ce cas comme dans les précédents, de tirer la situation au clair dans l’intérêt de notre pays.

Le MRC rappelle que ce qu’il est convenu d’appeler l’«affaire Guerandi MBARA», si elle était avérée, constituerait une violation manifeste par l’Etat du Cameroun de ses obligations en matière du respect des droits de la personne humaine, notamment:

– au titre des instruments internationaux : la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants de 1984, la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires de 1989,  la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées de 2006, la Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples de 1981 ;

– au titre de la législation nationale, en particulier : la Constitution, le Code pénal et le Code de procédure pénale.
En tout état de cause, cela constituerait une dérive dangereuse et inquiétante du régime en place.

Afin de mettre un terme aux rumeurs et autres spéculations qui enflent face au mutisme du Gouvernement dans cette affaire – qui pour le moment fait peser sur la DGRE  et le pouvoir de lourdes allégations d’enlèvement et d’exécution extrajudiciaire – le MRC demande la mise en place rapide d’une Commission internationale d’enquête indépendante. Car, les faits allégués se seraient déroulés dans plusieurs pays, concerneraient des personnes de différentes nationalités, et mettent en cause le Gouvernement camerounais qui, dans ces conditions, ne pourrait pas conduire avec efficacité une enquête impartiale.  La Commission proposée devrait avoir pour mission:

– d’infirmer ou de confirmer ces graves allégations d’enlèvement et d’exécution extrajudiciaire et le cas échéant, d’établir la chaîne de responsabilité ainsi que les responsabilités individuelles tant nationales qu’internationales ;

– d’enquêter sur la véracité du décaissement de 350.000 Euros (229.600.000frs CFA) pour financer ce présumé assassinat.
Le MRC propose en outre la création d’une Commission d’enquête parlementaire (nationale) afin d’enquêter sur l’utilisation de la DGRE et d’autres services de renseignement de notre pays par le pouvoir à des fins politiques.

IV – Sur l’affaire Célestin YANDAL et les  menaces qui pèsent sur les libertés civiles et politiques au Cameroun

M. Célestin YANDAL, jeune enseignant, président du Collectif des jeunes de Touboro et tête de liste UNDP lors des élections législatives et municipales de septembre 2013, a été arrêté le 30 novembre 2013 puis, après quelques péripéties, mis sous mandant de dépôt à la prison de Tcholliré, avant d’être transféré à la prison de Garoua où il est encore retenu sans jugement à ce jour.

Cette arrestation se situe dans le cadre des luttes politiques violentes qui ont opposé de façon dramatique, avant et après les élections couplées de septembre 2013, les militants de l’UNDP à ceux du RDPC, deux partis politiques pourtant alliés au sein du Gouvernement. Ces violences politiques ayant conduit à des morts d’homme, le MRC renouvelle ses condoléances aux familles des victimes et engagent les différents acteurs de la scène politique de notre pays à faire cause commune autour de la vision d’un jeu démocratique respectueux de l’adversaire et d’un changement dans la paix, tant au niveau national qu’au niveau local.

Faute d’information officielle, le MRC ne peut, à ce stade, relayer que des informations provenant des médias.  Il serait reproché à ce jeune leader politique du département de Mayo Rey d’être le symbole de la dénonciation des exactions et des injustices dont seraient victimes, et ce depuis longtemps, une partie de la population de la part des responsables locaux du RDPC.

La gestion de cette affaire semble conforter le caractère politique de la détention de M. YANDAL. En effet, son principal crime serait d’avoir  revendiqué le respect de l’Etat de droit face à un pouvoir traditionnel hissé au-dessus des lois de la République, et d’avoir osé s’opposer à l’immixtion de l’autorité administrative dans le fonctionnement de la Commune de Touboro dont son parti venait de prendre les rennes.

Le MRC en appelle au pouvoir afin qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour, d’une part,  mettre fin au calvaire de Marcel YANDAL en ordonnant sa libération, et, d’autre part, réparer le préjudice sévère qu’il a subi et continue de subir, à la fois comme citoyen libre de participer à la vie politique de son pays et en tant que jeune enseignant ayant une carrière à construire.

Cette affaire YANDAL vient à la suite de plusieurs autres mettre en lumière la difficulté de mener une activité politique libre et indépendante du pouvoir dans notre pays, sans risquer divers types de vexations et d’exactions. Le Cameroun se met ainsi lentement et progressivement sur une pente préoccupante, où les dérives débouchant parfois sur des atrocités nous interpellent tous; car nul n’est à l’abri dans un contexte de dérapage autocratique, même pas ceux se sont convertis en serviteurs zélés et cyniques d’un tel système.

C’est pourquoi le MRC tient à rappeler notre devoir de vigilance collective et de solidarité avec les victimes, et à alerter le peuple camerounais et la communauté internationale sur les conséquences imprévisibles de l’accumulation de telles pratiques sur la paix, la stabilité politique et le progrès économique de notre pays.

Le Président National du MRC
Pr. Maurice KAMTO