Camerounaises, Camerounais, Mesdames, Messieurs,
Voilà plus d’un an déjà que le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) a publiquement alerté l’opinion nationale et internationale sur le projet gouvernemental du glissement du calendrier électoral.
Lors de mon adresse aux Camerounais en décembre 2016, je mettais encore en garde contre la volonté du Gouvernement de différer le calendrier électoral. J’affirmais:
« L’année 2017 constitue le dernier virage avant l’année électorale cruciale de 2018. En effet, l’année 2018 verra l’organisation du scrutin sénatorial en avril, des législatives et municipales en septembre et de la présidentielle en octobre. A ces scrutins, on pourrait ajouter, si le calendrier électoral n’était pas considéré comme un secret d’État par le pouvoir, les élections régionales. Ce calendrier très chargé appelle une organisation et une planification gouvernementale rigoureuses tant en ressources financières qu’en gestion de la programmation. Sans prêter des intentions quelconques au Gouvernement, le MRC souligne qu’il attache un prix particulier au respect du calendrier électoral. Il rejettera avec la dernière énergie tout glissement de ce calendrier pour quelque raison que ce soit. Ni la guerre engagée contre Boko Haram en mai 2014, ni l’instrumentalisation d’une éventuelle réforme électorale engagée au dernier moment, ni les questions budgétaires ne justifieront un tel glissement contre lequel le MRC attire, un an avant, l’attention du Gouvernement. Aussi, celui-ci doit-il tout mettre en œuvre au courant de cette année 2017, pour régler tous les détails de toutes natures entrant dans la préparation et une organisation à date, et réussies, de l’ensemble des élections prévues en 2018. ».
Malgré ces mises en garde, le Gouvernement est actuellement entrain de manœuvrer pour différer les élections prévues de longue date dans notre pays en 2018. Ses stratèges veulent mettre en avant des arguments spécieux relatifs à la sécurité et aux moyens financiers que le MRC a depuis plus d’un an constamment rejetés, pour tenter de prolonger son séjour au pouvoir, au-delà du terme des mandats présidentiel, sénatoriaux, législatifs et municipaux. Il veut également se servir des mêmes arguments pour repousser au calendre grec l’organisation des scrutins régionaux, sans lesquels les Conseils régionaux prévus depuis vingt ans par la Constitution, et jamais mis en place, demeureront un mirage politique pour les Camerounais.
Le Gouvernement ne peut et ne doit invoquer aucune raison pour différer des scrutins dont les dates sont connues depuis plusieurs années déjà. C’est dès le lendemain du scrutin présidentiel de 2011 que le Gouvernement aurait dû engager les préparatifs politiques, techniques et financiers du scrutin prévu en 2018. Il est de même pour tous les autres scrutins dont la préparation aurait dû débuter avec la proclamation des résultats du double scrutin du 29 septembre 2013, pour les législatives et les municipales, et avril 2013 pour les sénatoriales.
L’argument de la situation sécuritaire que tente d’invoquer le Gouvernement est irrecevable, car il nous a toujours été dit qu’aucune parcelle du territoire n’est tenue par les terroristes de Boko Haram. De plus, le samedi 23 avril 2016, le RDPC a tenu à Maroua un meeting public sans aucun incident. Il faut le relever pour le déplorer, une semaine après ce meeting du RDPC, monsieur le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation a, devant témoins, refusé l’organisation de la « CARAVANE NATIONALE DU MRC, CAP sur 2018 ou AVANT » dans la ville de Bertoua, au motif que l’Extrême Nord était une région en guerre où seuls les fils de la région pouvaient tenir des rencontres politiques publiques. Cette position tribaliste du MINATD dévoilait alors déjà la volonté gouvernementale d’instrumentaliser la guerre contre Boko Haram à des fins politiciennes.
La posture va-t-en guerre du Gouvernement dans la gestion de la crise des Régions anglophones laisse entrevoir à tout observateur attentif la volonté du régime de laisser dégénérer la situation pour ensuite s’en servir dans sa tentative de justification du glissement du calendrier électoral prévu en 2018. Il y a comme une volonté politique manifeste du pouvoir de laisser pourrir la situation.
L’excuse de la situation financière est également irrecevable quand on sait qu’après le Sommet des chefs d’États de la CEMAC de décembre 2016 au cours duquel il a été décidé que le Cameroun retournerait au FMI, le ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire a déclaré, au cours d’un débat sur le plateau de Canal2 International, le 31 décembre, que notre pays n’avait pas de problème financier et qu’il se soumettait à l’ajustement budgétaire par solidarité avec les autres États membres de cette organisation sous-régionale. Si, pour le Gouvernement, la situation économique et financière du pays est saine et n’est l’objet d’aucun souci, pourquoi doit-on différer les élections au motif qu’il y aurait insuffisance de ressources financières?
Malgré la guerre contre Boko Haram, le train de vie de l’État de l’Etat n’a guère baissé, au contraire: salaires copieux et avantages des gestionnaires des entreprises publiques sans obligation de résultat; multiplication des commissions et des réunions inutiles avec per diem dans les administrations; corruption endémique dans les services publics; nombre impressionnant et toujours croissant de véhicules du parc automobile de l’Etat; corruption politique de la haute administration par la dotation complaisante des hauts fonctionnaires en véhicules sans rapport avec les besoin de service, véhicules qui sont ensuite réformés pour le prix d’une bouchée de pain, etc. À la vérité, la gestion des affaires publiques par le Gouvernement, qui se caractérise par une irresponsabilité comptable et des détournements compulsifs, rarement punis ou seulement de façon sélective, n’autorise pas les dirigeants de notre pays à invoquer sa situation financière pour faire glisser le calendrier électoral de 2018.
Certains mettent en avant le nombre des scrutins pour défendre le glissement du calendrier électoral. On peut leur rétorquer que gouverner c’est prévoir et que par conséquent, le Gouvernement a eu tout le temps nécessaire pour préparer les différentes échéances. Au demeurant, rien n’obligeait le Gouvernement par exemple à placer les élections sénatoriales la même année que les autres élections, puisqu’il lui était possible de les organiser avant 2013 ou après.
Depuis le lendemain du double scrutin du 30 septembre 2013, marqué par les fraudes sauvages et barbares du régime, les militants du MRC dénoncent de façon pacifique, légale et constante, en se faisant parfois bastonner puis arrêter par les forces de l’ordre, le système électoral national ainsi que la composition et le fonctionnement d’ELECAM. La proposition de loi du MRC y relative n’a jamais été examinée, trois ans après son dépôt et en violation du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale.
Aussi, sera-t-il vain pour le pouvoir d’attendre la dernière minute pour se montrer faussement disposé à l’ouverture d’un pseudo dialogue national sur la réforme du système électoral et d’ELECAM.
Le MRC attire l’attention de tous sur ce que, comme dans un pays de la région et aux mêmes fins, le régime est entrain d’organiser méthodiquement le retard et le désordre dans le calendrier électoral prévu l’année prochaine. L’organisation à date des élections est un élément important de la vitalité, du sérieux et de la crédibilité démocratiques, que le Gouvernement ne peut ignorer.
Sur la base de tous ces arguments, le MRC veut, une fois de plus, prendre l’opinion nationale et internationale à témoin sur les risques graves que le régime fera courir à la nation avec sa tentative de faire glisser le calendrier électoral prévu en 2018.
D’ores et déjà, le MRC informe qu’il mobilisera en temps opportun les citoyens camerounais de bonne volonté, militants et sympathisants ou non de partis politiques, afin que, comme un seul homme, le peuple camerounais s’oppose fermement et pacifiquement à tout glissement du calendrier électoral qui n’est ni plus ni moins qu’un coup d’État politique. Le MRC s’opposera fermement à toute confiscation du pouvoir par le régime RDPC à travers des manœuvres liées au calendrier électoral qui est connu de tous. Que le Pouvoir le sache: ni la corruption politique, ni la répression ne dissuaderont le MRC et les Camerounais de se dresser contre cette énième manœuvre.
Le MRC demande aux Camerounais de rester vigilants sur l’exigence du strict respect du calendrier électoral par le président BIYA, dont le légalisme est si souvent exalté, afin qu’aux dates prévues, les candidats et les partis s’affrontent démocratiquement, projet contre projet, pour permettre aux Camerounais de choisir leurs dirigeants, à un moment où les défis s’accumulent à l’horizon de notre pays. Il y va de l’avenir de notre chère patrie.
Vive le Cameroun!
Je vous remercie.
Maurice KAMTO,
Président National du MRC,
Yaoundé le 10 avril 2017.