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Juin 2018

Le Gouvernement a rendu public, le 20 juin 2018, un Plan d’assistance humanitaire d’urgence dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest. 2018-2019. Ce document est présenté comme une réponse à la crise sociopolitique qui secoue les deux régions anglophones de notre pays depuis bientôt deux ans.

Par ce fameux plan, le régime semble découvrir enfin – quoique sous la pression de la communauté internationale puisqu’il est indifférent à tous les appels patriotiques venant des Camerounais autres que ceux de son bord politique – l’ampleur du désastre humanitaire, social et économique causé par la guerre civile en cours dans les deux régions concernées, qu’un minimum de patriotisme et bon sens politique aurait permis d’éviter.

Ce plan estimé à 12,7 milliards de francs CFA laisse perplexe. En effet, le moment choisi pour son annonce l’inscrit davantage dans une simple contre-offensive diplomatique que dans un projet gouvernemental concerté et pensé pour accompagner un véritable plan de sortie de crise. Celle-ci passe par la démobilisation, le désarmement et la réinsertion (DDR) des insurgés dans les deux régions en guerre, suivis d’un dialogue inclusif sur les revendications des populations de ces régions.

Plus grave, la personnalité de monsieur Paul ATANGA NJI, très controversé ministre de la l’Administration Territoriale dont la responsabilité dans le pourrissement de la situation dans les deux régions anglophones est incontestable, n’est pas de nature à rassurer les milliers de Camerounais devenus des personnes déplacées dans leur pays et/ou réfugiées à l’étranger.

Sur la modalité de financement du plan, il est inadmissible qu’un Gouvernement qui a envers tout et contre tous préféré la guerre contre son peuple  au dialogue politique, alors même qu’il est responsable d’authentiques fautes politiques dans cette question anglophone telles que le refus obstiné de l’application des lois sur la décentralisation ou l’arrogance provocatrice de certains ministres et hauts responsables là où l’humilité et l’attention auraient pu désamorcer la crise, demande aux pauvres Camerounais et notamment aux fonctionnaires – dont les revenus permettent à peine de survivre – de financer son plan dit humanitaire.

Le Plan mentionne, à juste titre, les pertes en vies humaines. 84 décès dont 32 militaires, 42 gendarmes, 7 fonctionnaires de police et du pénitencier et 1 éco-garde. Les militants et sympathisants du MRC, dont certains ont des membres de leurs familles parmi cette catégorie de victimes, s’inclinent devant le sacrifice suprême de ces Camerounais. Cependant, il ne peut ne pas relever l’occultation de nombreux morts parmi les populations civiles, non engagées dans les combats, tuées aussi bien par les forces de défense et de sécurité que par ceux qui affrontent l’armée, mais également parmi les Camerounais ayant malheureusement pris les armes contre leur patrie.

Le choix fait par le pouvoir d’occulter ces autres nombreux morts dans ce conflit est un indicateur de l’état d’esprit de ceux qui gèrent l’Etat. Un tel choix inquiète. Il laisse penser que le Gouvernement considère que la vie de certains Camerounais ne compte pas. Un tel message n’est pas de nature à obliger les militaires et les forces de sécurité engagés sur le terrain des opérations dans les deux régions au respect de la compétence morale. Mis en relief avec les dénonciations des organisations nationales et internationales spécialisées sur les exactions commises dans les deux régions en guerre, le mépris affiché par le Gouvernement pour les morts civiles, voire pour les combattants armés est un mauvais message envoyé à ceux qui, au sein des forces de défense et de sécurité, ne rêvent que vengeance.

Le MRC appelle le pouvoir à abandonner cette attitude revancharde et rancunière indigne du Gouvernement qui a en charge la gestion des affaires du pays. Il lui incombe de créer les conditions d’un apaisement indispensable pour l’ouverture d’un vrai dialogue politique.

Le Plan d’urgence annoncé par le Gouvernement est politiquement mort-né, si son ambition telle qu’affichée est de permettre le retour des milliers de réfugiés et de déplacés à leurs lieux de vie habituels, car il ne s’inscrit pas dans une logique de règlement global de la crise anglophone. S’il tel était le cas, il interviendrait un programme de démobilisation, de désarmement et de réinsertion (DDR) et accompagnerait le règlement politique du conflit. Or, au moment où le Gouvernement s’efforce de vendre aux partenaires étrangers de notre pays ce fameux Plan d’assistance humanitaire d’urgence dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest, d’autres tombent encore presque quotidiennement, tués par d’autres Camerounais, et de nombreux autres encore sont contraints par les combats à prendre le chemin de l’exil.

En somme, la guerre étant loin d’être terminée dans les régions concernées et en l’absence manifeste d’une volonté de règlement politique de la crise, ce plan n’est simplement pas crédible. Il finira comme bien d’autres plans d’urgence avant lui, c’est-à-dire sans résultat probant, parce qu’il s’agissait d’opérations politiciennes, mal préparées et vouées d’avance à l’échec en raison des graves problèmes de corruption et de détournements des financements de projets publics devenus chroniques sous le régime dit du « Renouveau ». Car, qu’est devenu le Plan d’urgence des régions du Nord et de l’Extrême Nord annoncé par le Premier Ministre devant l’Assemblée nationale en juin 2015 et projeté à 200 milliards ? Ou le plan d’urgence triennal du Président de la République, annoncé à grands pompes pour un montant de près de 1000 milliards de nos francs ? Comme la gestion très polémique de l’historique opération du Coup de cœur pour les Lions Indomptables de 1994, la gestion des dons collectés pour les soldats engagés dans le septentrion il y a deux ans environ, ce énième plan d’urgence n’inspire confiance qu’à leurs initiateurs, qui du reste n’y croient pas eux-mêmes. Il leur permet simplement de détourner l’attention sur l’impératif de la résolution politique de la crise, à laquelle ils ne sont guère disposés.

Pour sa part, le MRC réitère que seul un dialogue inclusif peut permettre de sortir de cette guerre civile qui déchire notre pays. La mise en scène diplomatico-humanitaire qui est faite par le Gouvernement à travers ce plan d’assistance ne peut remplacer ce dialogue auquel toutes les personnes, organisations nationales et internationales de bonne volonté invitent le pouvoir depuis si longtemps maintenant.

La Communication du MRC

Yaoundé le 25 juin 2018