24
Déc 2013

Camerounaises, Camerounais,

Mes chers compatriotes de l’intérieur et de la diaspora,

C’est, chaque fois, avec un même sentiment d’honneur et de respect profond que je m’adresse à vous. Il en est ainsi  en particulier en fin de l’année, à un moment où vous aspirez légitimement à oublier un peu les soucis quotidiens pour passer un moment de joie partagée en famille ou entre amis. L’ampleur et la gravité des difficultés auxquelles beaucoup d’entre vous doivent faire face, même en cette période festive de l’année, auraient pu m’imposer le silence. Mais, c’est précisément  parce que je ne saurais être indifférent à vos peines, ni silencieux devant nos malheurs que je crois de mon devoir de m’adresser à vous précisément en ce moment. Je le fais dans le but de vous exhorter à ne pas baisser les bras, à préserver notre foi commune en un avenir meilleur pour cette terre bénie du Cameroun.

L’année qui s’achève a été marquée, sur le plan politique, principalement par l’organisation des élections législatives et municipales du 30 septembre dernier. Le MRC avait fait le pari de la confiance dans les institutions en charge de l’organisation des élections dans notre pays, ainsi que dans la capacité de tous les partis politiques prenant part à ces élections à saisir l’occasion historique qui était donnée à notre pays de manifester aux yeux de notre peuple et du monde notre engagement commun et irréversible dans la construction d’une démocratie moderne, respectueuse du choix des électeurs. A travers vos suffrages, vous avez placé massivement et de manière non équivoque votre confiance et vos espoirs dans notre jeune parti, le MRC. Mais, à  la faveur des fraudes barbares et des pratiques d’un autre âge, on nous a spoliés de la victoire historique que vous nous avez accordée dans la plupart des circonscriptions électorales où le MRC était en compétition, notamment dans le Mfoundi, les Haut-Plateaux, à Baham, à Monatélé, à Deuk, à Yokadouma. Et après cela, on a eu l’impudence de nous dénier le droit de nous indigner. Les preuves multiples et diverses de ces fraudes ont été transmises après notre conférence de presse du 22 octobre 2013, notamment à la plus haute autorité de l’Etat, au Gouvernement, à ELECAM, ainsi qu’aux média. Mais, comme je l’ai dit lors de la conférence de presse que j’ai donnée après le scrutin, le peuple camerounais n’acceptera plus jamais que l’on détourne sa volonté librement exprimée à travers son choix électoral.  C’est le lieu pour moi de remercier à nouveau, sincèrement et très chaleureusement les centaines de milliers d’électeurs qui ont voté pour le MRC à l’occasion de ces échéances, faisant ainsi de notre jeune parti, désormais représenté à l’Assemblée nationale et dans plusieurs conseils municipaux, l’espoir d’un changement dans la paix au Cameroun.

Au terme de sa première participation à des élections, le MRC,  qui est non seulement une force d’alternance, mais aussi une force de proposition, a soumis au Gouvernement et à ELECAM des points qu’il juge urgents de réformer pour une crédibilisation de notre système électoral. Dans l’intérêt de la nation toute entière, ces points doivent être discutés dans le cadre d’un dialogue politique sincère. A titre d’illustration, le MRC défend l’instauration du bulletin unique à défaut d’une biométrie intégrale, la réforme de la constitution pour permettre le vote à 18 ans ou l’interdiction de la distribution des cartes d’électeur par ELECAM le jour du vote.

Le  MRC lance un appel à toutes les forces politiques et à toutes les organisations citoyennes intéressées pour une mutualisation des efforts afin d’obtenir du gouvernement, l’ouverture d’un dialogue sincère et constructif pour une amélioration effective de notre système électoral.

Chers compatriotes,

Au Cameroun, notre chère patrie, les années passent et se ressemblent, en particulier dans le domaine économique et social. Ceux qui sont en charge des affaires du pays aujourd’hui ont beau se voiler les yeux et refuser de regarder les réalités en face, les faits sont têtus. Je me limiterai à quelques illustrations:

– La cohésion nationale et la fraternité républicaine, éléments déterminants de la construction d’un vivre ensemble apaisé et convivial et d’une nation prospère et prête à relever les défis qui s’imposent à elle, reste malmenée par l’appel à la haine  tribale ouvertement assumée de certains de nos compatriotes ; ceux-là sont dans l’égarement, car ce n’est qu’ensemble, unis et mobilisés, respectueux de la riche diversité de nos cultures et tirant avantage de ce qu’il y a de meilleur dans chacune d’elles, que nous bâtirons un Cameroun fort et prospère, puissant et respecté dans le concert des nations.

– Comme l’année dernière, 2013 s’achève sans que le 50e anniversaire de la Réunification des deux parties de notre pays, intervenue le 1er octobre 1961 c’est-à-dire il y a 52 ans, ait eu lieu. On trouvera bien une excuse à cet autre rendez-vous manqué avec l’histoire de notre jeune Nation. Il est à craindre qu’il alimente davantage les frustrations compréhensibles de nos frères de la partie anglophone du pays, et à vrai dire de l’ensemble du peuple camerounais; car la Réunification est un tournant de l’histoire du Cameroun postcolonial, et donc de notre histoire nationale.

– Les performances économiques de notre pays restent en deçà de nos capacités réelles et ce malgré les discours officiels lénifiants. Selon le dernier rapport du FMI sur les perspectives économiques de l’Afrique sub-saharienne présenté le 22 novembre à Yaoundé, le taux de croissance du Cameroun en 2013 sera seulement de 4,7% contre les prévisions gouvernementales de 6,1%, alors que la moyenne enregistrée en Afrique sub-saharienne sera de 5%. Nous avons fait remarquer en 2012 que ces performances économiques médiocres, avec un taux de croissance réel inférieur à 8% par an, ne peuvent pas permettre d’atteindre l’objectif gouvernemental d’un « Cameroun émergent en 2035 ». Nous ne sommes plus les seuls à le dire désormais: le FMI,  mais aussi d’autres institutions financières internationales comme la Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC), sont du même avis. A moins que « l’émergence en 2035 » ne soit qu’un slogan sans lendemain, comme celui qui proclamait, il y a une vingtaine d’années : « Santé pour tous en l’An 2000 » et qui s’est traduit par : « Santé pour personne à nos jours ».

– Confrontées à de nombreuses pesanteurs et à des politiques publiques hostiles au secteur privé, les stratégies tâtonnantes de relance économique ne parviennent pas à enclencher le cycle vertueux d’une croissance soutenue et durable.  Selon le classement Doing Business 2014 rendu public le 29 octobre 2013 par le Groupe de la Banque Mondiale, le Cameroun arrive au 168ème rang sur 189 pays évalués, alors qu’il était 161ème sur 185 dans les deux précédents classements. Il se dégage donc une perte de 7 places qui, au niveau de l’Afrique, met notre pays derrière des Etats comme la Guinée Equatoriale, la Côte d’Ivoire, le Rwanda, le Burundi.

– Quelques infrastructures de base sont en construction dans notre pays et l’on en annonce d’autres. Il y a lieu de s’en réjouir pour l’avenir économique du Cameroun. Mais, comme je l’ai dit également l’année dernière, la manière dont ces importants projets d’infrastructures ont été négociés ne permettra pas au Cameroun de bénéficier du transfert du savoir-faire lié à leur réalisation, contrairement à ce que l’on observe dans tous les pays sérieusement engagés dans la voie du décollage économique. Il est inadmissible qu’avec des sommes colossales générées par les sacrifices du peuple camerounais, nos ingénieurs soient incapables dans les années à venir de construire un port, un barrage hydroélectrique ou un pont d’envergure.

A propos de pont justement,  ce que l’on appelle aujourd’hui le 2e pont sur le Wouri sera, une fois construit, le seul véritable pont sur ce fleuve qui coupe la ville de Douala en deux et sépare la capitale économique de trois Régions du pays ; car selon la voix la plus autorisée de l’Etat, le pont actuel est en fin de vie et ne servira plus qu’au passage des piétons,  des cyclistes et motocyclistes. C’est le lieu de demander à quoi ont servi les 13 milliards de francs engloutis il y a à peine cinq ans pour, disait-on alors,  la réhabilitation d’un pont que l’on savait par ailleurs hors d’usage.

Mes chers compatriotes,

Je voudrais que nous méditions ensemble la vie sans perspective que le Gouvernement réserve à la jeunesse camerounaise. Nos jeunes, minés par le chômage endémique, ont pour seul horizon la désespérance. Ils ne vivent de rien,  inondent les marchés et envahissent les rues de nos villes à la quête d’une pitance quotidienne. Ils essaient de tromper leur mal-être dans des flots d’alcool. Ces jeunes, sortis de nos écoles et universités,  ne rêvent plus que de rejoindre la riche Europe. Ils abîment leur vie dans le désert du Sahara ou dans l’immensité de la mer Méditerranée. Cette situation ne peut perdurer sans compromettre durablement les chances de redressement national et de l’essor économique du pays. C’est pourquoi le MRC demande au Gouvernement de la République de faire de la question du chômage des jeunes la priorité absolue de la politique socio-économique du Cameroun au cours de la nouvelle législature.

Chers compatriotes,

Nous vivons dans un monde de plus en plus dangereux dans lequel aucun pays n’est à l’abri de l’insécurité. C’est pourquoi, pour être durable, la paix doit reposer sur la justice à l’intérieur afin que la pauvreté ne fasse pas le lit des extrémismes, et sur la capacité de notre valeureuse Armée nationale à assurer la défense de nos frontières face aux périls extérieurs. Or, nous devons constater que l’insécurité n’est plus un phénomène circonscrit à nos grandes villes ou à quelques régions spécifiques du pays. Elle frappe durement à nos frontières, notamment dans les régions de l’Extrême-Nord et de l’Est. La sécurité du pays et des populations est sérieusement mise à mal par des groupes armés étrangers radicalisés et connectés à une internationale de la terreur. Face à ce défi majeur nouveau, l’Armée nationale doit retrouver toute sa place à travers les moyens qui lui sont alloués, toute sa fierté à travers la place qui lui est réservée,  et la confiance indispensable pour mener à bien sa haute et noble mission de défense du territoire national.

Le  projet de société, ambitieux et exigeant que le MRC propose au peuple camerounais,  appelle à une mobilisation de tous les talents et toutes les énergies pour la réalisation d’un  changement politique pacifique ainsi que de l’œuvre transformatrice de notre pays. C’est pourquoi, au MRC, nous mettons un accent particulier sur le rôle de notre diaspora. A ces compatriotes de l’étranger, je voudrais le redire : la Renaissance nationale ne se fera pas sans vous. Nombreux sont ceux qui, parmi vous, portent très haut, dans divers domaines universitaires, scientifiques, techniques, artistiques, littéraires, politiques, journalistiques, de l’entrepreneuriat et j’en passe,  l’étendard du Cameroun ; ils font la fierté de notre pays et de tout notre peuple.

Certains d’entre vous ont acquis pour diverses raisons une nationalité étrangère. Mais je sais que l’amour profond de cette terre du Cameroun reste enfoui dans vos cœurs. Pour le MRC, par le fil invisible qui relie chacun d’entre vous à nos fleuves et nos lacs, à nos forêts et nos savanes, à nos plaines et nos montagnes, vous ne cesserez jamais d’être des Camerounais, où que vous soyez.

Mes chers compatriotes,

Voici venu le moment de former mes vœux à votre endroit pour l’année qui va commencer.
En disant bonne chance à nos Lions Indomptables pour le Mondial 2014 au Brésil, je souhaite à chacun de vous, personnellement, une Bonne et Heureuse année nouvelle. Qu’elle vous apporte une meilleure santé et du travail à ceux qui n’en ont pas, et plein succès à ceux qui en ont ainsi qu’aux nombreux élèves et étudiants qui se préparent à assurer demain la relève dans la gestion des affaires de notre très cher et beau pays.

Vive le Cameroun !

Le Président National du MRC, Maurice KAMTO

Yaoundé le 28 décembre 2013